La Ligurie, disait notre guide comme pour nous préparer mentalement à ce que nous allions vivre, est la plus petite région d’Italie mais aussi la plus densément peuplée. Vous me voyez venir ? Les routes sont engorgées et traverser les grandes villes relève de l’exploit.
Le hasard a voulu que, dans notre malchance, nous roulions vers Savona par un dimanche en fin d’un après-midi ensoleillé et chaud. Et que font les Savonesi après une si belle journée passée à la plage ? Ils rentrent à la maison ! Nous sommes donc restés coincés 45 minutes dans un bouchon de circulation d’une quinzaine de kilomètres entre plages et tunnels à zigzaguer entre les voitures stationnées sur la droite et celles tentant d’avancer sur la gauche. Nous sommes rentrés à l’hôtel sur le tard cette journée-là. La Riviera italienne n’a de bucolique que les parasols sur la plage pour peu qu’on y soit allongé en sirotant un spritz. Ça n’a rien de paradisiaque pour le cycliste. Traverser Gênes à l’heure de pointe donne la nausée tant l’air est encrassé par les échappements des moteurs diesel et des scooters.
Entre Gênes et Sestri Levante, nous avions le choix entre longer la côte et visiter Portofino avec ses parasols et ses boutiques ou bien se faire une montée de 11 kilomètres dans l’arrière-pays. Nous avons préféré la montagne et les routes désertes et nous avons été récompensés par la plus belle descente du voyage, sinueuse et tout en douceur, sur plus de 25 kilomètres.
Passés Lerici, nous quittons la Ligurie et sa Riviera pour entrer en Toscane. On pousse un soupir de soulagement à l’idée de retrouver un peu de calme sur les routes, les vignobles et les alignements de cyprès. En attendant, on se régale des carrières de marbre de Carrara.
Depuis le début du voyage, il fait beau. Il fallait bien que cette humidité accumulée sous les rayons du soleil retombe un jour. Elle en a profité entre Pise et San Miniato sans se ménager. Qu’à cela ne tienne, avec de bons impers et le cœur léger, la route est agréable et on se réjouit à l’idée de prendre une bonne douche chaude à l’arrivée. Je sais, c’est difficile à comprendre d’avoir le goût de prendre une douche lorsqu’il pleut des cordes.

À notre grand bonheur, le temps s’éclaircit et nous donne le temps de sécher avant d’arriver à l’hôtel. Nous en profitons donc pour prendre notre bière sale qui prend le dessus sur notre désir de se doucher. (NDLR: Bière sale: Expression qui signifie que l’on prend une bière après une journée de vélo, avant de se doucher).
Comme la cigale durant l’été, notre insouciance nous a puni car, comme nous nous prélassions bière en main, notre hôtel, que dis-je, San Miniato au grand complet manqua d’eau. Nos congénères, comme la fourmi de la fable, ayant déjà pris leur douche nous ont clamé:
- Que faisiez-vous au temps chaud ?
- Vous chantiez ?
- Eh bien séchez maintenant.
Au matin, l’eau n’étant toujours pas revenue, ce n’est pas que la bière que nous avons prise sales.
Entre San Miniato et Florence, les paysages toscans tant attendus nous ont charmé. Dommage que ce fut le dernier jour de vélo du voyage.


Ce voyage nous a permis de côtoyer des gens sympathiques de tous horizons. Nous avons partagé des apéros, des repas, la route à l’occasion. Ils font partie de notre bonheur de voyager à vélo en groupe.
Jean-Guy, du Nouveau-Brunswick, qui nous a chanté, a capella, une chanson à répondre de son coin de pays sur une terrasse d’un restaurant à Venise au grand étonnement des badauds qui passaient.
Jacob, notre guide gaspésien, grand aventurier et conteur hors pair qui nous a fait frissonner avec ses histoires au Nunavik.
Yvon le trifluvien, notre encadreur et doyen du groupe, globetrotteur, qui nous a enjôlés de ses récits de voyage.
Chacun, à sa façon nous a partagé un peu de son vécu et a enrichi d’autant le nôtre.
- Mais, rien sur Pise, Florence, Venise, me direz-vous ?
Tu as vu la tour ? Tu as vu la tour ? Elle est penchée !
J’ironise un peu, mais oui, elle est penchée. Mais pas pour longtemps, avec tous ces touristes qui tentent de la redresser à mains nues !

Une fois passés les marchands de bricoles de toutes sortes, sur la Piazza del duomo, ce qui frappe, c’est justement le duomo, la cathédrale Ste-Marie, tant elle est majestueuse, en face d’elle, le battistero di San Giovanni et en retrait, le Camposanto monumentale, le cimetière. Le campanile, lui, fait de l’ombre à la beauté de ces trois édifices, non pas qu’il n’est pas beau, tout de marbre, mais si ce clocher d’église n’était pas penché, je doute que Pise serait aussi visitée.


Nous passons trop peu de temps à Florence pour bien l’apprécier. À mon avis, elle se visite de l’intérieur, dans les musées, les cathédrales et les palazzos. La ville est si compacte qu’il est difficile d’apprécier et de photographier son architecture majestueuse. Il faut s’y prendre bien d’avance pour visiter quelqu’intérieur tant sont nombreux les touristes et longues les files d’attente.


En débarquant à Venise, son calme relatif étonne. Bien qu’aussi achalandée que Pise et Florence, ici, pas de voitures, ni motos, ni scooters. On entend les gondoliers chanter le belcanto, les enfants courir pour chasser les pigeons. Sur la place Saint-Marc les gens prennent l’apéro au son de l’orchestre sur les terrasses. Nous n’y passons que quelques heures, le temps d’une ballade en vaporetto, et d’une marche entre les canaux de la ville. Se perdre dans le quartier résidentiel nous permet d’apprécier le côté authentique de Venise, loin des boutiques et des hordes de touristes. Au terme de notre voyage, nous sommes restés sur notre faim côté vélo et nous en revenons quelque peu désillusionnés de la Riviera italienne. Pour les amateurs de statistiques, vous trouverez dans le livre de bord, le détail de nos journées passées en selle.


