du 29 au 6 juillet 2020
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Nous entrons en Gaspésie. Ste-Flavie se targue d’être la porte d’entrée de la péninsule. À partir de Ste-Luce-sur-Mer jusqu’à Rivière-Madeleine, nous ne quittons plus le fleuve des yeux. Plus on progresse vers l’est, plus ce fleuve a des allures de mer, voire d’océan. On ne distingue plus la rive nord. La route devient aussi plus sauvage. Les villages s’espacent, le bord de mer de moins en moins habité. C’est une nature majestueuse où se côtoient la mer et les contreforts des Appalaches qui forment d’impressionnantes falaises. Sur la route, des panneaux sont sans équivoque: Les uns avertissant des dangers de l’onde sur la route, les autres nous prévenant des chutes de neige des falaises. Comme si la route voulait dire aux deux géants de se calmer et de se respecter l’un et l’autre. La route ondule, au gré du rivage et contourne les baies au fond desquelles se trouvent de charmants villages comme Rivière-à-Claude, Mont-St-Pierre, Mont-Louis, L’Anse-Pleureuse.
Nous sentons les montagnes s’approcher. Nous le savions qu’il faudrait les affronter en nous disant que d’ici là, avec près de 1,000 kilomètres dans les jambes, nos muscles seraient à la hauteur. De Rivière-Madeleine à Cap-des-Rosiers, les côtes se succèdent sans répit, aucun plat, des montées qui nous font suer, des 12, 13 voire même 14 %. La dureté du mental (comme dirait si bien Bob) nous a permis de toutes les grimper sans mettre pied à terre. Au soir, à Rivière-au-Renard, Françoise a si bien exprimé son état d’esprit après deux journées éprouvantes:
“La fatigue s’installe mais la satisfaction d’avoir réussi à monter ces côtes compense. Ce doit être l’endorphine libérée lors de l’activité physique qui nous pousse à dépasser nos limites. C’est l’hormone du bonheur après tout. Et nous sommes tous deux friands de vivre de telles expériences. Parce que c’est l’expérience qui compte et non la destination. Quelle chance nous avons.”


Depuis le début de notre voyage, nous recevons de nos lecteurs des encouragements qui sont fort appréciés. Dont celui-ci: “Bon vent”. On entend souvent, “si vous faites le tour de la Gaspésie en sens horaire, vous bénéficierez des vents dominants de l’ouest”. Soit, mais sur quatre jours, de Ste-Luce-sur-Mer à Rivière-Madeleine, nous en avons passé trois où c’est nous qui avons dû dominer le vent, de face, le corps penché sur nos guidons. S’agirait-il d’une légende urbaine que ces vents dominants favorables ? Ce vent d’est que nous avons bravé charrie son lot de brume, de temps froid et un brouillard qu’on arrive à peine à distinguer le cycliste devant nous (regardez bien, vous verrez sa silhouette). Par chance, nous n’avons pas eu beaucoup de pluie.
Il vente si fort en Gaspésie que les strates de calcaire des falaises escarpées qui bordent la route sont ondulées comme un rideau qui vole au vent accroché à la fenêtre. Ce n’est pas peu dire !
Sur la route, aux environs de Rivière-à-Claude, elle est là, je la reconnais comme si c’était hier. La petite maison qui m’avait marqué en 2003 lors d’un précédent voyage à vélo est encore là, debout. Je l’avais prise en photo alors, il faut que je la refasse aujourd’hui. La maison n’a rien perdu de son charme, seule sa plaque d’adresse a disparue. Je ressens une émotion de revoir ces choses anodines qui passent souvent inaperçues mais qui pour moi forment le paysage réel de ce pays, souvenir des gens qui l’ont bâti. Son propriétaire actuel, descendant de celui qui l’a bâti nous dit qu’elle a 175 ans. “Elle commence à pencher, elle n’en n’a pas pour bien longtemps” nous dit-il. Je le supplie alors de la préserver encore 17 ans, pour mon prochain voyage ici, avant que je ne penche à mon tour.



Pour peu que l’on s’attarde en chemin, et c’est facile à vélo, on prend rapidement le pouls de la vie des Gaspésiens qui sont accueillants et généreux. Un pouls que je sens tristement faiblir. Déjà, sur la Côte de Gaspé, les villages semblent se décharner, les commerces fermés, locaux vides, églises en mauvais état. En parlant avec eux, les gens du pays expriment facilement leur état d’âme. À Marsoui, la proprio du camping n’a pas de relève. “Les jeunes s’en vont” dit-elle. “Autrefois, notre village était gros. Maintenant, nous ne sommes plus que 300”. Renchérit-elle.
À Capucins, le petit camping où nous passons la nuit est opéré par un OBNL qui tente par tous les moyens de sauvegarder les quelques infrastructures qui restent dans le village. “Depuis qu’on est fusionné à Cap-Chat, on nous laisse peu à peu tomber”, nous raconte la responsable du camping.
À Grande-Vallée, Nancy, la propriétaire de la pharmacie nous raconte la même chose. “Nos écoles se vident. Ici, à l’école secondaire, il ne reste que 60 jeunes, pour tout le secondaire ! Il n’y a pas si longtemps, il y avait des magasins de linge, de souliers un concessionnaire auto, un garage. Tous disparus. Il ne reste qu’un BMR. C’est là qu’on trouve des draps, imaginez”. Nancy est native de Grand-Vallée, ses parents y vivent encore. Elle a la Gaspésie tatouée sur le coeur.
À Rivière-Madeleine, Roger, le propriétaire du gîte Chez Mamie où nous passons la nuit a mis son auberge en vente. “J’ai 67 ans, je n’ai pas de relève, mon fils qui a étudié en restauration s’est établi à Montréal.”
Je ne sais pas ce que sera la Gaspésie sans les Gaspésiens. Certes, il y a un certain retour en région, les micro-brasseries foisonnent tout autour de la péninsule, mais il faudra plus pour garder en vie cette magnifique région.
Depuis le début du voyage, nous avons été choyés côté hébergement. Notre première semaine en Gaspésie ne fait pas exception. Nous alternons, campings, bivouacs et gîtes.
À Matane, après notre première journée à dominer les vents contraires, nous arrivons au camping Parc Sirois la Baleine. Il est presque vide. On demande un emplacement à l’abri du vent si possible. Difficile d’en trouver sur le bord de la mer.
- Ben, peut-être que vous pouvez vous installer derrière le bloc sanitaire. Nous dit la jeune préposée.
- Pensez-vous qu’on pourrait manger dans la salle communautaire ? Demandai-je.
- Ben, c’est qu’elle est fermée, à cause de la COVID et tout ce qui se passe vous savez.
Après quelques minutes de réflexion et un appel à sa patronne, elle nous revient.
– J’ai de bonne nouvelles pour vous. Vous pourrez utiliser la salle communautaire ce soir, vous pourrez manger et installer votre tente dedans.
Et nous voilà, un camping intérieur, avec électricité, eau et toilettes, un site parfait. Merci Parc Savoie la Baleine.

Nous trouvons à dormir sur le bord de la mer depuis que nous avons quitté Lévis. Comme c’est bon de veiller avec les couchers de soleil et de s’endormir au son du clapotis des vagues.
Autant que possible, nous appelons les campings la veille pour savoir s’ils sont ouverts et s’ils acceptent les tentes. La majorité nous accueillent sans tracas. Toutefois, il arrive que les hébergements se fassent rares, comme à Cloridorme qui n’a pas de terrain de camping. Nous repérons alors un site pour bivouaquer. Arrivés au jardin communautaire près d’un terrain vague, deux personnes jardinent tranquillement. Nous nous informons.
“Oui, oui, sans problème, vous pouvez vous installer ici”, nous dit la jardinière qui est aussi conseillère municipale. Que voilà une bonne référence, on se dit.
“Mais vous seriez mieux à la halte municipale de St-Yvon. C’est deux kilomètres plus loin. Attendez, je vais voir s’ils ont ouvert les sanitaires”. Décidément elle a des relations la conseillère.
Françoise avait déjà identifié, par ses recherches, ce site. Mais avoir l’assentiment d’une conseillère municipale pour y dormir nous a rassurés. Ce site, en bord de mer est juste parfait. En arrivant, un homme nous aborde.
- “Vous aller camper ici ?”
- “Euh, oui”
- “C’est chez moi. Ben c’est moi qui m’occupe de la halte. Je travaille pour la ville. Je viens juste d’ouvrir les sanitaires. Vous allez être bien à côté de la vieille barque”.
Y a pas à dire, la conseillère a le bras long.
En arrivant à Rivière-au-Renard, nous savions que le seul camping du coin n’était pas sur notre parcours. Nous décidons de bivouaquer derrière le centre multifonctionnel de Rivière-au-Renard. Un autre site enchanteur en bord de mer. Une couple de cyclotouristes s’y trouve déjà. Il est juste à côté du port de pêche. Il impose, ce port, avec ses crevettiers, son chantier maritime et son usine de transformation. Des pêcheurs, de retour de 6 jours en mer, réparent leurs filets.
- « C’est ici qu’il se pêche le plus de crevette », nous dit l’un d’eux.
- « À Matane ? Pffffff. Y a pas de crevettes à Matane ! Les crevettes de Matane sont même pas pêchées à Matane », clame un autre, un brin de chauvinisme dans la voix et beaucoup de fierté dans les yeux.
Notre routine journalière est maintenant bien rodée. En étudiant notre parcours du jour, Françoise repère les marchés d’alimentation pour le ravitaillement avant l’arrivée au camping. Il faut prévoir car à l’occasion, il n’y a rien sur la route. Des cafés normalement ouverts ne le sont pas ou bien un dépanneur sur lequel on comptait n’offre pas de quoi se faire à manger correctement, comme à Cap-des-Rosiers avant d’entrer dans le Parc Forillon. Nous ne pouvons y séjourner qu’une nuit, tout est complet. Il faut dire que le parc n’est que partiellement ouvert, certains campings sont fermés, incapables d’en assurer l’entretien qu’exige la situation de la COVID, faute de personnel.
Nous voilà au bout du monde, comme l’indique la carte du parc Forillon. C’est ici que la mer arrête notre progression vers l’est. Nous avons complété la Côte et la Haute-Gaspésie. Nous prendrons un peu de temps dans les environs pour se reposer et visiter le secteur avant d’entreprendre la partie sud de la péninsule par la Pointe et la Baie des Chaleurs. Nous en sommes au jour 20 de notre voyage avec 1,089 kilomètres au compteur et plus de 8,600 mètres d’ascension, soit environ l’altittude du Mont Everest.
Bonjour à vous deux, c’est tellement intéressant à vous lire. J’ai fait la Gaspésie il y a 25 ans en solo et je suis en train de revivre ce beau voyage grâce à vous merci. Sauf que moi j’ai toujours eu un grand vent dans le dos. Au départ c’était prévu Québec Cap-Chat et je revenais en autobus et je me suis rendu compte que je pouvais me rendre jusqu’à Percé et j’ai réussi en 7 jours et j’ai dépassé Percé de 12 km. pour prendre l’autobus à l’Anse à Beau- Fils pour revenir à Québec et transfert pour Montréal. Bonne continuité
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Merci Murielle de vos bons mots. Vous savez, le vent, les côtes, ça fait partie du jeu. Nous ne choisissons pas nos destinations en fonction d’eux. N’empêche, comme les côtes, le vent est un défi partout. Cela ne nous a pas fait regretter nos choix, au contraire, nous aimons bien les défis quand ils se présentent. Merci de continuer de nous lire et merci de commenter, c’est fort apprécié.
Robert
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Bonjour la cie! Ça me rappelle aussi des souvenirs d’une tournée en 2018 que j’ai fait en boucle de Matane à….Matane . Mais pas mal plus paresseusement que vous! Nous étions 3 coéquipiers qui se sont rendus en auto à Matane en auto, nos vélos en bagage.De la, le vrai voyage commençait en mode « relais » . C’est-à-dire pendant que deux de nous roulaient, l’autre chauffait l’auto avec équipement de camping , bagages etc.. jusqu’à la prochaine destination, pour tous se rejoindre au soir.
Consolez-vous , rendus à Percé, vous avez fait le pire des cotes! Et vous trouverez aussi le contraste avec les villages plutôt de type Nouvelle Angleterre de la Baie des Chaleurs et le paysage tantôt sauvage tantôt agricole de la Vallée de Matapedia . Bref, toute une expérience que cette Gaspesie. On comprend pourquoi elle est convoitée par tant de voyageurs…cyclotouriste ou non. Bonne deuxième étape ! 👍🚴♀️🚴♀️
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Merci de votre commentaire. Nous apprécions particulièrement le changement de paysage et de contexte social entre les régions. Vous nous mettez l’eau à la bouche pour la Baie des Chaleurs. Entre temps, il nous reste un peu de route avant de rallier Percé où nous souhaitons nous arrêter un peu pour visiter et prendre l’air du pays. À la prochaine !
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Votre blog est une préparation mentale, une invitation à une disposition psychologique, un rappel à ajouter les bons vêtements pour mon départ le 30 juillet pour ce même périple.
Merci de montrer tous les aspects de votre voyage, vous êtes inspirants.
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Merci de ces bons mots. Je vous souhaite un beau voyage qui sera, j’en suis sûr, bien plus inspirant que nos récits. Bonne route.
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