Projet Anticosti, partie 2: De Coaticook à St-Fabien-de-Panet

Du 23 au 29 mai 2021

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Bucolique Rang 9

Il fallait bien qu’il pleuve un peu, les agriculteurs faisaient la danse de la pluie depuis plusieurs jours en ces temps de semailles. Après notre jour de repos à Coaticook, nous avons repris la route en direction de Chartierville. Juste le temps de déjeuner et démonter le camp au sec et déjà la pluie commence après quelques kilomètres. Imperméable, couvre-chaussures et nous voilà repartis bien protégés. En arrivant à Sainte-Edwidge-de-Clifton l’ondée s’intensifie et nous nous réfugions au dépanneur du village de 500 âmes. Un bon chocolat chaud nous réconforte.

«Il y a des toilettes publiques un peu plus loin, vous verrez, derrière la mairie. »

L’endroit ne paie pas de mine, on dirait un refuge, mais il est grand, sec et chaud. C’est la chambre des joueurs attenante à la patinoire municipale. Nous y entrons même nos vélos. On y restera une bonne heure, histoire de laisser passer le plus fort de la pluie et de laisser sécher un peu.

Dans la « chambre des joueurs » à Ste-Edwidge-de-Clifton pour se réchauffer et se sécher

Sur la route vers St-Malo, la pluie cesse mais les côtes nous attendent. Elles ne sont pas si grosses mais elles se répètent dans ce pays ondulant. Nous prenons une pause au village voisin, St-Isidore-de-Clifton. Tiens, un guichet automatique, nous y faisons le plein. 

« On dirait que le rang 10 est en gravelle. On devrait prendre le rang 9 plutôt il a l’air asphalté »

Le rang 9 est effectivement asphalté, du moins la partie dans le village. Ça ne durera pas. Il se transforme en route de terre. Nous n’éviterons donc pas le gravier aujourd’hui. Par chance il ne pleut plus et la route n’est pas trop boueuse. Ce rang traverse une contrée immense et vide, que quelques fermes ici et là et des prés immenses pour faire paître les troupeaux. Elles sont belles ces vaches avec leurs petits veaux.

En roulant sur le rang 9, on se dit: « Comme c’est grand le Québec ». Un peu plus loin, un élevage de wapitis. Ils servent malheureusement de chair à canon dans cette pourvoirie qui, pour vous assurer le succès, élève le gibier et vous l’offre en pâture. Un peu triste quand même.

Épique Rang 10

Nous rejoignons finalement le rang 10, qui est en terre lui aussi, même si c’est une route provinciale numérotée, la 210. On a même pris soin d’y mettre un panneau pour protéger les cyclistes. Mais il n’y en a pas de cyclistes sur ce rang. Il faut être fou pour y circuler à vélo avec ces côtes à 13% de pente dans la gravelle ! Ce rang aura endurci notre mental, comme s’il ne l’était pas assez. Il en a fallu de la détermination pour finir notre journée de 73 kilomètres et 1,400 mètres d’ascension, sur gravier, pour arriver à Chartierville.

Cohabitation véhicules – cyclistes !

Nous optons pour un hébergement au lieu de camper. Le resto-dépanneur-gîte Lescault nous accueille dans une de leurs trois chambres à louer. En prime, on se paie une pizza (du resto) et de la bière (du dépanneur). On se croirait dans un Tout-Compris !

Le dépanneur-restaurant-bureau de poste-gîte Lescault de Chartierville

Après la pluie, le beau temps. Il fait un temps superbe pour rallier notre prochaine destination, Piopolis. Nous ne passerons donc pas par l’est du lac Mégantic comme nous l’avions initialement prévu. Le camping municipal de Piopolis nous attire puisqu’il est situé sur la berge du lac. Dans ce coin de pays, les routes sont droites comme des rails, les côtes n’en finissent plus de monter et de descendre. Nous apprécions le bitume de notre parcours du jour. On inscrit notre première crevaison du voyage au calepin des anecdotes. Un pinch flat comme disent les anglais, deux perforations pour le prix d’une, causées par l’impact de la roue sur un gros cailloux.

« Celles et ceux qui connaissent la route 212 pour se rendre au parc du mont Mégantic, vous saurez ce qu’on a roulé aujourd’hui. » – relate Françoise.

Nous passons par de nombreux petits villages, minuscules, tout juste pourvus d’un dépanneur et d’une station-service. Nous nous sentons bien loin des commodités urbaines et le menu se résume à ce qu’on trouve au dépanneur: soupe en boîte, muffins anglais. Nous rêvons d’un bon poké bowl accompagné d’un mousseux bien frais. 

Des routes droites comme des rails qui ondulent comme les vagues sur la mer

Piopolis

Au camping municipal de Piopolis, Mario nous accueille gentiment. Il s’exclame lorsque nous lui disons que nous habitons à St-Bruno.

  • « Ha! J’ai habité longtemps à St-Bruno, sur la rue Dolbeau. »
  • « Quelle coïncidence » poursuit-il.
  • « Je vous place sur un beau site direct sur la plage »
Sur le bord du lac Mégantic au camping municipal de Piopolis

Le site n’était pas encore libéré à notre arrivée et nous en avons profité pour faire jasette avec Mario. Nous regardant avec nos vélos chargés, il nous raconte qu’il en a fait lui aussi de beaux voyages de cyclo, au Canada, en Europe, en Espagne.

– « Mais mon plus beau voyage c’est à l’Île d’Anticosti »

_ « Mais, c’est justement là qu’on se dirige » qu’on lui dit.

Ses yeux se sont allumés et sont devenus brillants. Il nous énumère les endroits et les choses à voir sur l’île comme s’il y était allé l’an dernier. Mais c’était il y a plus de trente ans ! Il n’y a pas à dire, il a dû être beau son voyage pour en garder une telle mémoire.

Notre soirée s’est terminée auprès d’un feu de camp, sur la grève, le soleil laissant la place à la  pleine lune. Deux huards chantent. Moment de grâce.

Feu de camp au clair de lune sur le lac Mégantic

Le mercure a flirté avec le point de congélation cette nuit. On enfile le drap de soie dans le sac de couchage et on met quelques couches de vêtements supplémentaires. En fait, je crois que Françoise a mis tout le linge qu’elle avait. Une fois endormis, la nuit fut quand même bonne. 

Nos corps raidis par le froid de la nuit sont lents à se mettre en branle. On tarde à sortir de la tente, espérant que le temps se réchauffe rapidement. Il fait beau, ça ne devrait pas tarder. Un deuxième café, sur la rive du Lac Mégantic, en amoureux, et nous voilà ragaillardis.

J’en profite aussi pour réparer la chambre à air qui avait crevé hier. Finalement, on se met en route vers 10h 30. Grasse matinée.

Le joli petit village de Piopolis

Granit

L’itinéraire prévu initialement rejoignait Lambton par une route pas très conviviale pour les vélos. En consultant le site Quebec511.info du Ministère des transports et en activant la couche Convivialité vélo, nous choisissons une alternative moins achalandée, la route 263. On ne s’épargne toutefois pas les côtes de la région. Nous avons l’impression de rouler sur l’onde, passant d’une crête à un creux de vague, à une crête sans répit. Et puis, encore ces routes rectilignes qui découpent le paysage en damier. 

Les fermes se succèdent et, en arrivant à St-Sébastien, on pénètre dans le pays du granit. Les tailleurs de pierre de toutes sortes y ont des opérations. Ici, quand ce n’est pas un fardier de billes de bois qui nous dépasse, c’en est un transportant d’énormes blocs de roches prêts à être taillés en pierre structurale, revêtement ou plus tristement en pierre tombale.

Paisible grange où il fait bon s’arrêter
La maison Royer, qui date de 1847

Le camping du Parc du Grand lac St-François est géré par la municipalité de Lambton. Au téléphone, la dame me dit:

  • « Nous avons trois terrains pour les tentes, ils sont sur le bord du lac »
  • « Nous fermons l’accueil à midi, nous sommes en basse saison, mais sentez-vous à l’aise, allez monter votre tente sur un terrain de votre choix, nous règlerons les détails demain. »

Décidément, nous aimons les bords de lac, nous sommes choyés depuis le début de notre voyage. Le camping est petit. Les roulottes installées pour la saison sont désertes. Nous sommes les seuls en ce soir de fin mai. Impression étrange. 

En route cet après-midi, Françoise me lance:

  • « Je sais ce qu’on mange ce soir »
  • « Ah oui ?
  • « Oui, du spaghetti ! On devrait se faire des bonnes pâtes »
  • « Croisons les doigts pour que l’épicerie de Lambton soit bien fournie »

Lambton est une ville moyenne, industrielle. L’épicerie Inter-marché est de bonne dimension. On y a trouvé des macaronis, de la sauce tomate arrabiata et du sans-viande en guise de protéines. Ce fut un délice accompagné d’un vin rouge ma foi correct. Le choix est limité côté petits formats dans les agences SAQ. Le tout préparé dans la petite casserole de notre gamelle. Tout est une question de séquence de cuisson. Les joies de la cuisine en plein air.

Les fardiers

La route de Lambton à Notre-Dame-des-Pins est passante. Très passante. Des fardiers en continu. À l’approche de St-Georges-de-Beauce le trafic de marchandise s’intensifie. Le choix de parcours n’est pas grand, les routes secondaires sont la plupart du temps en gravier. Les chauffeurs de ces mastodontes sont courtois et nous dépassent de manière sécuritaire mais néanmoins, c’est toujours stressant de subir le choc du coup de vent qu’ils provoquent sur nos montures. Parlant de vent, un vent fort, avec de vives rafales mais, aujourd’hui, de dos, quel bonheur et soulagement. 

Saint-Séverin

Nous avons un rendez-vous avec nos amis Colette et Yves qui nous offrent le gîte. Ils habitent à Saint-Séverin, quand même assez loin (à vélo) de notre parcours. Ils nous offrent de venir nous chercher à Notre-Dame-des-Pins. Vraiment chouette de leur part.

Colette et Yves ont fait plusieurs grands voyages de cyclotourisme en Asie, en Europe, en Australie. Vous imaginez notre intérêt à les écouter nous raconter leurs périples. Autour d’un bon repas, nous avons jasé vélo, voyage, se racontant nos anecdotes respectives.

Ce furent de belles retrouvailles, Yves et moi avions travaillé ensemble à la fin de nos carrières respectives. 

Merci pour votre accueil chaleureux.

De droite à gauche: Colette, Yves, Françoise, Robert

St-Odilon-de-Cranbourne

Après un bon petit-déjeuner à Saint-Séverin, Yves nous offre de nous reconduire là où nous voulons reprendre notre parcours. Notre destination étant Lac Etchemin, nous optons pour St-Joseph-de-Beauce. Ce sera une petite journée, que 40 kilomètres.

Yves nous dépose à St-Joseph-de-Beauce après notre séjour chez lui à Saint-Séverin.

La chaleur était accablante hier. C’est tout le contraire aujourd’hui avec une nuit au point de congélation et une journée avec un vent glacial et un mercure qui ne dépasse pas les 11 degrés. À mi-parcours, pour la pause, le vent est si fort et si froid qu’il faut chercher abri. 

  • « Tiens ! Il y a une église à St-Odilon-de-Cranbourne. « s’exclame Françoise.
  • « Avec un nom pareil, il faut bien aller la voir . »

Vous connaissez St-Odilon-de-Cranbourne ? 

Nous, pas avant de voir son affiche de bienvenue. Une immense église de pierre, des maisons d’époque, un magasin Rona, l’hôtel de ville, tout ça sur l’apex de la montagne avec, tout autour en contre-bas, les maisons des ouailles. Mais pourquoi donc construire un village à cet endroit ? Si ce n’est pour être plus proche du ciel !

La majestueuse église de St-Odilon-de-Cranbourne

Ce village est juché en haut d’une côte comme tant d’autres dans la région. La pente de 14% pour atteindre le sommet et son église aura tôt fait de nous réchauffer. Une collation, des muffins aux carottes, gentiment offerts par nos amis Colette et Yves et nous voilà repartis, en bas de la côte reprendre notre parcours. Il y a des jours comme ça où on se sent attiré vers le ciel. Allez comprendre. 

Arrivés à Lac Etchemin vers 13h, on se sent comme en congé. Un après-midi de farniente, quel bonheur. Et vu qu’on annonce une nuit sous le point de congélation, on troque la tente pour une chambre chauffée à l’auberge Happy Logis.

Le moulin La Lorraine de Lac Etchemin
Site historique du monastère de Notre-Dame de la trappe du Saint-Esprit, à Ste-Justine

Le parc régional des Appalaches

Nous traversons une vague de froid depuis deux jours avec des températures qui flirtent avec le point de congélation la nuit. Le camping attendra. Après tout, on trouve de l’hébergement chauffé un peu partout. Enfin, partout est un grand mot. Nous planifiions passer par le Massif-du-sud le visiter et y séjourner au chaud pour la nuit. Pas de place tout est complet. Plan B: changer de parcours et nous rendre directement au Parc régional des Appalaches qui offre des refuges. Oui, oui, un refuge comme nous les aimons en hiver ! Chauffé au bois, dans le bois ! Deux kilomètres de chemin forestier en gravier pour s’y rendre et pousser notre vélo sur le sentier de randonnée jusqu’au refuge et nous y sommes, rassurés que nous sommes de passer la nuit au chaud.

Une journée un peu plus longue que prévue. Nous sommes dus pour un jour de congé et ce parc offre beaucoup à voir et à marcher. Nous profiterons de notre refuge pour une deuxième nuit au chaud et reposer nos corps.

Le poêle à bois nous a gardé au chaud durant la nuit. L’endroit est idéal pour une journée de repos à ne rien faire si ce n’est que de marcher quelques kilomètres pour aller prendre notre douche et remplir nos gourdes à l’accueil du camping du Café du randonneur.

Nous en profitons pour évaluer nos options de parcours et d’hébergement des prochains jours. Il faut dire que le secteur n’est pas très fourni en campings et auberges.

Notre projet Anticosti s’est terminé en juillet 2021. Nous avons publié une série d’articles au file de notre progressions. Voici les liens:

26 réflexions sur “Projet Anticosti, partie 2: De Coaticook à St-Fabien-de-Panet

  1. Real Bergeron

    Bonsoir vous deux, cela semble toujours bien aller pour vous. Je pense souvent à vous. Je me demande comment vous allez. J’ai eu une pensée spéciale pour vous les nuits ou le mercure était sous zéro. Heureusement que vous avez trouvé des hébergements au chaud. J’adore vous lire. Bonne continuation

    Aimé par 1 personne

    1. Françoise Michaud

      Tout va toujours bien pour nous, merci pour ton message. Nous sommes équipés pour dormir quand les nuits sont légèrement au-dessus de zéro, mais pas avec les froids des derniers jours, avec le vent en bonus. Il faut quand même bien dormir si on veut être en forme le lendemain😀.

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