Projet Anticosti, partie 8: De Roberval au Parc de la Mauricie

Du 12 au 17 juillet 2021

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Nous quittons le beau Lac St-Jean et sa région en direction de La Mauricie. Une dernière visite, toutefois, au Village de Val-Jalbert. Ce village qui fut actif entre 1901 et 1926 pour héberger les employés de l’usine de pulpe de papier est aujourd’hui une attraction touristique. De nombreux bâtiments sont bien conservés comme le couvent-école, le magasin général et plusieurs maisons. Le site est doté d’infrastructures d’accueil importantes, de nombreux guides qui interprètent l’histoire du village, un téléphérique mène au sommet de la chute qui fournit encore aujourd’hui l’énergie électrique grâce à laquelle le site s’autofinance et se développe. Un pan de notre histoire industrielle s’y trouve, un site intéressant à visiter.

Le couvent-école de Val-Jalbert
Le magasin général

Des maisons bien conservées

La chute Ouiatchouan qui alimente encore aujourd’hui la mini-centrale hydroélectrique de Val-Jalbert

La 155

Serge Bouchard a dit d’elle:

« La 155 est une dure de dure. Il y a de l’histoire, des odeurs de cendre, des airs de résine, de la profondeur de vue. Une autre route dont nous ne saurons jamais rien car cette histoire n’intéresse à peu près personne… Nous sommes de la forêt, je suis un mélèze. Nous sommes de l’histoire pure et je suis un géant. »

Nous la parcourrons de bout en bout de Chambord à Shawinigan. Une route en pleine forêt comme nous en avons beaucoup parcourues depuis notre départ. Une route occupée, passante mais pas trop. Elle en intimide plusieurs car il n’y a pas beaucoup de services. Il y a bien Lac Bouchette avec son épicerie à même la quincaillerie BMR, mais ensuite, il faut rejoindre La Tuque pour s’approvisionner. Entre Chambord et le lac Écarté, un accotement adéquat sauf sur cinq kilomètres entre les bornes 198 et 193. Des fardiers, oui, il y en a, mais pas plus qu’ailleurs où les régions vivent des ressources naturelles comme la forêt. 

Françoise avait repéré un site à mi-chemin entre Roberval et La Tuque pour y passer la nuit. La Zec Kiskissink se trouve au bord du lac Écarté en bordure de la route. Il y a un camping pour saisonniers, complet, qui héberge des amateurs de pêche, de quatre roues et de chasse. Au téléphone, la préposée nous rassure: « On va vous trouver un coin à côté de l’accueil. » L’eau est non potable mais nous avons ce qu’il faut pour la purifier. Nous voilà donc sur le quai, en face du lac Écarté à prendre notre « apéro ». Comme nous transportons 2 jours de nourriture, ce soir, l’apéro sera des boissons gazeuses achetées sur place!

L’heure de l’apéro sur le quai du lac Écarté

Notre site de camping « improvisé » à l’accueil de la Zec Kiskissink sur le bord du lac Écarté

Il n’y a rien d’autre que de la forêt entre Lac-Bouchette et La Tuque. Une Zec par-ci par-là et, surprise, une halte routière, la halte du Curé-Normandin. 

Une belle route sinueuse, une succession de vallons. Rien pour casser les jambes mais de belles descentes pour les reposer. Elle longe la rivière Bostonnais sur une bonne partie.

La 155 porte à la méditation. Françoise, elle, a compté les camions qui nous dépassaient sur la première portion de la route. Un à deux camions au kilomètre. C’est pas si mal, il y en avait beaucoup plus dans le Témiscouata. De mon côté, je mettais des mots sur cette route mystique. 


Cette route est une entaille dans la forêt d’épinette noire. 
Un coup de scalpel dans le vert pour laisser passer le ruban noir rayé de jaune et blanc. 
En regardant au loin, on a l’impression que la forêt se referme pour avaler la route.
 

Elle n’est pas dangereuse, non. L’accotement est adéquat, parfois un peu étroit mais toujours suffisant pour rouler à droite de la ligne blanche. La circulation est constante par contre et après bien des kilomètres, ça devient ardu. Les yeux regardent devant, les oreilles, derrière, en constante attention. Une fois rendus à La Bostonnais, au pont couvert Thiffault nous quittons la 155 pour prendre le rang Sud-Est. Un repos bienvenu, une pause de ce vacarme routier. La route est tranquille. On longe la rivière Bostonnais de l’autre côté jusqu’aux abords de La Tuque. La ville approche, les cheminées d’usines crachent leur boucane. La Tuque est industrielle. Nous y passerons la nuit.

À partir de La Tuque vers le sud, la 155 longe le Saint-Maurice alors que plus tôt nous longions la Bostonnais. Mais attendez ! LE Saint-Maurice vous dites ? Oui, dans le langage populaire, on dit le Saint-Maurice même si c’est UNE rivière. Les anciens considéraient la rivière avec tant d’admiration qu’on lui attribuait les qualificatifs d’un fleuve. On la nommait alors « le Saint-Maurice ».

C’est ce que nous apprenons en visitant le Parc des Chutes-de-la-Petite-Rivière-Bostonnais, juste à la sortie de La Tuque. Un magnifique site doté d’aires de jeux, de tables de pique-nique, d’un musée de la drave et d’une exposition de maquettes de bateaux et de chalands qu’utilisaient les draveurs.

Exposition de maquettes de bateaux et chalands

« La rivière aurait été créée par un vieil Amérindien sauvé de la mort par l’esprit Manitou. Retrouvant la vigueur de sa jeunesse, le vieillard prit alors son canot d’écorce et se mit à ramer sur la terre ferme! Il creusait ainsi un profond canal, tout en zigzaguant lentement vers le fleuve Saint-Laurent. »

Cela expliquerait donc pourquoi la rivière Saint-Maurice est aussi longue et tortueuse. Qu’elles sont belles les légendes Amérindiennes, n’est-ce pas ? On peut les lire sur les panneaux d’interprétation du Parc.

La rivière est majestueuse, large et à fort débit. On y aperçoit des terrasses de sable en plein milieu laissé par le passage des derniers glaciers qui ont recouvert la région. Le Saint-Maurice porte les traces de la drave qu’on a exercé jusqu’en 1995. Par la suite, après 90 ans de flottage, la papetière PFCP (anciennement CIP) entreprit de nettoyer les rives de la rivière de tous les billots échoués sur les berges. En 1998, la rivière retrouvait son aspect original enfin libérée de son fardeau.

Ce tronçon de la route 155 est bien différent de celui plus au nord entre La Tuque et Chambord. Il est plus habité, la circulation y est plus intense et on aperçoit un peu d’agriculture. On se sent moins enveloppé dans la forêt. Son relief est somme toute assez plat mais comme le dit la légende il est tortueux comme le Saint-Maurice qu’il côtoie tout du long. N’eut été du vent de face à nous dépeigner sous nos casques, le trajet aurait été une balade facile et rapide.

Nous établirons notre campement au Centre Aventure Matawin de Trois-Rives, juste de l’autre côté du Saint-Maurice. Nous nous endormirons au son des rapides de la rivière Matawin. 

On le sent, on s’approche de Shawinigan. La route est large, son accotement aussi et le flot de véhicules est continu. La 155 n’est plus sauvage, elle est civilisée. Elle se terminera à St-Georges, un secteur de Shawinigan. Nous l’aurons parcourue de bout en bout.

Il fait chaud, très chaud jusqu’à 30 degrés. Le vent contraire nous fait la vie dure. Nous remercions toutes celles et ceux qui nous ont souhaité une belle météo chaude. Elle est arrivée ici, en Mauricie. Par chance, il y a plusieurs haltes routières et à chaque fois que nous avons l’opportunité de quitter la 155, nous la prenons. Un repos mental. Une pause dans notre vigilance exacerbée. Comme à St-Roch-de-Mékinac. Mais comme tout a un prix, ce détour nous attend avec un raidillon à 15%. Cette manie qu’avaient les anciens d’aller planter leurs églises au point le plus haut du secteur !

  • « Aussitôt que tu vois une crèmerie, on arrête. », me lance Françoise.
  • « 10-4 » que je lui réponds en lui montrant mon pouce en l’air.

Une fois arrivés à Grand-Mère, maintenant un secteur de Shawinigan (c’est triste de perdre ces jolis noms de villes et villages), nous remontons le St-Maurice, cette fois sur sa rive droite. Vent de dos, la petite route qui mène au Parc de la Mauricie est calme. Tout un contraste avec la rive gauche. Chemin faisant, on aperçoit la route qu’on avait empruntée plus tôt. Il n’y a qu’à Grand-Mère qu’on peut traverser la rivière. C’eut été bienvenu, une navette nautique entre Grandes-Piles et St-Jean-des-Piles.

Nous poserons nos sacoches quelques jours ici dans le Parc de la Mauricie. Ce soir, ce sera au camping de Rivière-à-la-Pêche, situé non loin de l’entrée de St-Jean-des-Piles.

Le Parc de la Mauricie

Nous nous déplacerons ensuite vers le camping Wapizagonke. Un parcours de 36 kilomètres qui offre de bons défis pour qui aime les côtes, 630 mètres d’ascension sur cette courte distance.

La route du Parc de la Mauricie a ceci de particulier qu’elle n’est empruntée que par les usagers du parc. Pratiquement pas de circulation de transit. Le trajet entre le camping de Rivière-à-la-Pêche et celui de Wapizagonke est un pur bonheur pour les cyclistes. L’asphalte, probablement récent, n’a aucune fissure, craque, trou, aussi bien sur la voie de circulation que sur l’accotement. Aucun défaut, une surface parfaite. Un tapis de velours noir. La route est sinueuse et les côtes sont aisément négociables, même avec nos vélos chargés. Jamais plus de 8 % de pente. Avec de belles descentes entre chaque montée. Ce n’est pas surprenant que cette route soit le lieu d’entraînement de tant de cyclosportifs. Tout un contraste avec la 155 des derniers jours.

Ne cherchez pas de fissure, il n’y en a pas !

Et que dire du paysage ? Du haut du belvédère Le Passage, on peut admirer le lac Wapizagonke dans toute sa splendeur. 

La lac Wapizagonke, vu du belvédère Le Passage

Le parc de la Mauricie est de juridiction fédérale. Les campings sont de première qualité. Celui de Wapizagonke est complet, nous avons pris le dernier terrain disponible. Nous souhaiterions bien prolonger d’une nuit encore, question de prendre du bon temps et de se reposer, mais le camping est complet. Il n’est pas classé Bienvenue cyclistes. Nous verrons bien si on peut nous accommoder. 

La forêt du parc de la Mauricie héberge des pins rouges majestueux si gros qu’on ne peut en faire le tour avec les bras. Le camping Wapizagonke en contient de superbes spécimens parmi les sites de camping. L’odeur qui s’y dégage est fabuleuse et le tapis d’aiguilles donne un aspect velouté au paysage. Vraiment, un site exceptionnel.

Nous attendons l’ouverture de l’accueil pour voir si des sites se sont libérés. Les chances sont minces en plein weekend estival. Sachant que nous devrons nous déplacer de toutes façons, nous prenons la décision de démonter le campement, enfiler nos vêtements de vélo, faire comme si nous quittions le parc. Le temps file et il est maintenant 11 heures. La guérite n’est pas encore ouverte et nous prenons la décision de reprendre la route vers Saint-Paulin. Au moment d’enfourcher nos vélos, voilà que la préposée à l’accueil s’amène. Tout n’est pas joué. Nous lui expliquons notre situation et elle parvient à nous trouver un site pour la nuit. Quelle chance ! Allez ! on remonte notre campement sur notre nouveau site. Nous pourrons alors profiter de cette journée pour nous reposer sans pédaler.

Enfin presque sans pédaler puisque nous sommes allés nous reposer à la plage du lac Wapizagonke à deux kilomètres et demi du camping. C’est bien peu et nous en sommes fort aise. Le temps est magnifique. Une journée de repos bienvenue après plusieurs jours de côtes et de vents contraires. 

Nos vélos en congé, pas de charge, tout légers.

Comme nous n’avions pas prévu de prolonger notre séjour dans le parc une troisième journée, nous épuisons nos dernières provisions: notre repas d’urgence, les barres énergétiques qui restent, tout y passe. Il nous faudra refaire les stocks à Saint-Mathieu-du-Parc et à Saint-Paulin.

Notre site improbable au camping Wapizagonke, le temps d’un jour de congé.

Le huard

Je ne sais pas si vous l’avez déjà entendu. Le huard est l’oiseau sur nos pièces de un dollar. Son chant envoûte. Le soir tombé, il lance ses complaintes qui résonnent sur les montagnes environnantes à travers la forêt. On l’entend de loin. Ce soir, il se mêle aux cris des enfants qui s’amusent dans le camping. Ce chant m’envoûte depuis que je l’ai entendu pour la première fois, il y a bien longtemps, au nord de la Baie James lors de mes années d’études en géologie. À la nuit tombée, nous sombrons dans les bras de Morphée accompagnés du chant du huard. Doux rêves garantis.

Notre projet Anticosti s’est terminé en juillet 2021. Nous avons publié une série d’articles au file de notre progressions. Voici les liens:

27 réflexions sur “Projet Anticosti, partie 8: De Roberval au Parc de la Mauricie

  1. jmrbergeron@hotmail.ca

    Ha le Wapizagonke! Tu me fais me souvenir un beau moment de canot-camping Vécu dans la vingtaine. La Mauricie est un coin que j’ai fréquenté souvent. Un très beau coin de pays. Merci encore pour ces récits et images! A bientôt

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  2. Liliane

    Waw! Quel beau récit encore !! J’aime beaucoup votre façon d’écrire. Vous me faites apprivoiser un peu la Route 155 qui, comme vous le dites, fait peur un peu. La route du Parc de la Mauricie a effectivement été refaite il y a deux ans. Un vrai tapis de velours pour les cyclistes!! Merci beaucoup pour ce beau récit et bonne route!!

    Aimé par 2 personnes

  3. Cécile Fournier

    WoW! Belle contrée que ce parc de la Mauricie que je n’ai jamais eu la chance d’approcher. J’aime bien ces clins d’oeil de faits historiques dans vos récits. Et que dire de cette citation de Serge Bouchard…auteur et québécois prolifique. Bonne continuité!

    Aimé par 2 personnes

    1. Robert de l'Etoile

      Jean, vous verrez notre itinéraire dans notre blogue dans l’onglet Où sommes-nous ?

      Aussi, vous avez les détails journaliers dans le livre de bord.

      Nous progressons vers Lanaudière en Haute Matawinie.

      Robert

      Aimé par 1 personne

  4. Caroline Dagneau

    Merci pour le récit. J’ai souvent pagayé la rivière Mattawin, un petit bijou! La route 155 est un joyau du Québec, surtout la partie qui longe le St-Maurice. Je la choisi toujours pour aller au Lac St-Jean. Contente de voir qu’elle est faisable à vélo. Bonne route!

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